Ce plat agite la France... mais vous n'en avez pas entendu parler

Voici l'histoire du "Krousty" : le plat que la jeunesse de la France entière s'arrache et dont vous n'avez sans doute pas (encore) entendu parler.

Entrée, Plat, Dessert
5 min ⋅ 22/09/2025

Il est difficile, à la trentaine passée, de rester connecté aux tendances et aux réalités parallèles qui animent les “jeunes” d’aujourd’hui. Je me suis longtemps pensé invincible mais, je dois l’avouer, me voilà largué sur un paquet de codes de l’Internet moderne.

Cependant, tout n’est pas perdu : je reste encore très à la page sur les phénomènes viraux culinaires.

Ces dernières années, le kebab à l’ancienne a été snobé au profit d’un “french tacos” devenu roi. Mais tout ça, c’est déjà du passé. L’avenir du snack appartient désormais aux “box du peuple”, mais surtout à une comète calorique que personne n’a vue venir : le “Krousty”.

Du riz en barquette, enrobé d’une crème épicée, surmonté de poulet pané et de sauces secrètes. Simple comme bonjour, peut-être, mais bon marché et salvateur, dans un monde où plus personne n’a d’argent, à commencer par les “jeunes”.

Aujourd’hui, le Krousty a atteint son pic de viralité, puisque même les médias généralistes se sont emparés du sujet. Tout le monde en parle. Copié et dupliqué dans tous les snacks de Paris et au-delà, pris d’assaut par une foule d’ados au grand appétit, il a même récemment créé une émeute à Châtelet, un samedi après-midi, sur l’idée discutable d’un influenceur.

Il y a quelques mois, j’embarquais deux amis-collègues, Méline et Abdallah, en voiture de loc’, pour aller découvrir ce Krousty dont la hype commençait à naître sur les réseaux sociaux et dans les algorithmes qui échappent aux gens de mon âge. Une heure de route, autant à poireauter dans la file d’attente, pour finir par avaler ce Krousty sur le siège passager.

Pour ce “hors série”, j’ai tenté de comprendre cette petite révolution-en-barquette en discutant avec les inventeurs de ce plat, Abdel Kader Boushaba et Norasinh Besse de Krousty Sabaïdi, et le vidéaste FlorianOnAir, fin connaisseur de la snackosphère et sorte de Bourdieu moderne de la restauration rapide.

Déjà, c’est quoi un “Krousty” ?

Le Krousty, c’est du riz et du poulet croustillant, arrosé de sauces “secrètes”. Un plat né dans la banlieue bordelaise, en 2010, chez Krousty Sabaïdi. D’abord dans un food-truck, puis dans un minuscule local, inspiré par l’héritage familial culinaire laotien du cofondateur du lieu, Norasinh Besse. L’idée ? Créer un plat simple, généreux et accessible à toutes les bourses.

Pourquoi ça marche ?

Le Krousty doit son succès à sa simplicité savamment maîtrisée. “Plus qu’un assemblage, c’est un plat addictif qui casse les codes du fast-food classique, tout en restant accessible et réconfortant. Résultat : il parle à tout le monde — ados, parents, foodies — et donne envie d’y revenir”, confient Abdel Kader Boushaba et Norasinh Besse, les deux acolytes derrière Krousty Sabaïdi.

Aussi, le Krousty répond, avec pragmatisme, à une demande très contemporaine.“Une formule simple mais efficace, au rapport quantité/prix imbattable, avec des ingrédients que tout le monde apprécie”, appuie FlorianOnAir. “Sans révolutionner la street-food, il propose un plat généreux, pas cher et satisfaisant, qui s’impose comme un nouveau standard aux côtés du kebab et du tacos.”

Un succès imprévisible ?

Derrière la hype, c’est surtout une démarche vertueuse. “Le Krousty a d’abord été pensé pour faire découvrir la street-food asiatique à notre quartier. Puis l’engouement a vite dépassé ses frontières. Et tout ça, sans réseaux sociaux, ni livraison”, se félicite le duo. “On n’a jamais imaginé le Krousty comme un produit marketing, juste comme un plat bon, généreux et accessible. Ce qui nous a surpris, c’est la vitesse de l’engouement.”

Évidemment, le succès du Krousty fait écho à celui du “french tacos”, né dans la banlieue lyonnaise avant d’exploser au niveau national, notamment grâce à la chaîne O’Tacos. “Parti d’une initiative locale, le Krousty s’est imposé comme un nouveau repère de la street-food. Aujourd’hui, on voit des variantes ouvrir partout en France, signe d’un véritable engouement”. Mais, pour FlorianOnAir, il ne faut pas tirer de conclusions trop vite : “Le Krousty va-t-il s’ancrer durablement comme un standard de la street-food ou n’est-il qu’une tendance passagère ?”

Une nouvelle “guerre des snacks” ?

Pas vraiment. “Le but n’a jamais été d’enterrer qui que ce soit. Le Krousty vient offrir une alternative. On cohabite avec les tacos et les kebabs, mais on propose autre chose : un plat chaud, complet, généreux, qui se mange à la fourchette, avec un vrai travail de goût et de texture. Ce n’est pas une mode, c’est un format qui répond à une vraie attente du marché”, assurent Abdel Kader Boushaba et Norasinh Besse.

“Il y a encore 10 ou 15 ans, la street-food en France se résumait surtout aux sandwiches, burgers, kebabs ou dérivés”, souligne FlorianOnAir. “Aujourd’hui, les Krousty se sont imposés : toujours de la street-food, mais présentée comme un vrai plat, simple et complet. Une évolution qui n’a d’ailleurs pas échappé aux grandes enseignes et aux indépendants qui se sont engouffrés dans la tendance.”

La magie de l’Internet ?

Jusqu’en 2021, ils n’avaient ni Instagram, ni TikTok, ni Uber Eats. “Tout s’est fait au bouche-à-oreille et sur le terrain”, disent-ils. “Mais une fois en ligne, ça a explosé. Les clients postaient leurs Krousty, les vidéos tournaient, et on s’est vite retrouvés avec des millions de vues, sans faire de pub. Ce qui a accéléré la croissance, c’est que le produit est “instagrammable” naturellement : un bol généreux, coloré, avec des sauces qui débordent : ça parle tout de suite.”

Pour FlorianOnAir, rodé aux tendances culinaires plus ou moins éphémères : Il faut reconnaître que le marketing a été très bien pensé. Chez Tasty Crousty, par exemple, ils sont devenus leurs propres influenceurs : leurs vidéos ont buzzé toutes seules, sans passer par des créateurs de contenu. C’est en grande partie ce travail de communication qui a permis au Krousty de se faire connaître dans toute la France, un peu comme O’Tacos à son époque.”

La méfiance du milieu de la bouffe ?

Ce qui est nouveau n’est pas toujours vu d’un bon œil, surtout dans un univers aussi concurrentiel que la street-food. “On vient d’un modèle de street-food, populaire, sans chef étoilé ni investisseur au départ. Forcément, au début, certains nous prenaient de haut, voyaient ça comme un énième “buzz food”. Aujourd’hui, avec des files d’attente constantes et un produit copié partout en France, le respect s’est imposé naturellement. On n’a rien à prouver à personne : on fait du vrai, du bon, et on le fait sérieusement. Ceux qui ont sous-estimé le Krousty le regrettent un peu maintenant.”

Être copié, c’est grave ?

Depuis quelques mois, le Krousty est partout. Imité, dupliqué, photocopié. Un problème ? “Pour nous, c’est une fierté : personne n’imite un produit qui ne marche pas. Tant mieux si d’autres s’en inspirent, du moment que c’est bien fait. Au fond, ces copies ont contribué à démocratiser le Krousty partout en France : même ceux qui n’ont jamais mis les pieds chez nous savent désormais ce que c’est”, se réjouit le duo. “On a grandi avec des valeurs de partage, donc on ne garde rien pour nous. On ne le vit pas mal, mais plutôt comme une forme de reconnaissance et de réussite collective.”

Nouveau symbole de la street-food ?

Le succès du Krousty est-il durable ou simplement porté par une bulle passagère ? Difficile à dire, mais il y a de bonnes raisons de penser qu’il peut s’inscrire dans le temps, même si la hype finira sans doute par s’essouffler. “Le tacos, par exemple, n’est plus le phénomène qu’il était en 2016 à chaque ouverture, mais il existe toujours et continue de marcher. Le Krousty pourrait suivre le même chemin : sortir du statut de phénomène pour devenir un classique, porté par des ingrédients simples et universels”, analyse FlorianOnAir.

***

BONUS | Un petit aparté (hors Krousty) pour vous parler d’un de mes plaisirs coupables qui mérite toute votre attention. Parce que Paris manque d’un chicken sandwich digne de ce nom, foncez chez PiouPiou! goûter à leur “OG”. C’est rue Saint-Denis et, vous verrez, le casse-croûte de rentrée qu’il vous faut.


Ceci était un petit “hors série” de cette newsletter. On se retrouve, ici, dans quelques jours, pour un numéro qui parlera d’une table secrète pas comme les autres. Portez-vous bien, et bonne rentrée !


→ Mon Instagram où je montre ce que je mange.
→ Ma carte Mapstr où je dévoile là où je mange.
→ Mon Instagram (secret) où je fais de la peinture.
→ Mon (autre) identité où j’infiltre des supermarchés.
→ Mon Tumblr qui prouve que je suis un vieux d’Internet.

Entrée, Plat, Dessert

Entrée, Plat, Dessert

Par Robin Panfili

Je suis Robin Panfili, journaliste sur l’Internet depuis plus de dix ans. Après avoir travaillé pour Slate, Vice, Le Monde ou Konbini, je suis désormais reporter gastronomique indépendant (Le Fooding, GQ…). J’explore le monde de la cuisine sans distinction, sous toutes ses coutures : du snack au bistrot de quartier, du kebab ouvert tard la nuit aux restaurants étoilés.

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